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L’implication des collaborateurs séniors

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L’implication des collaborateurs séniors

Les parcours de vie sont autant de voyages à la découverte de Soi. On apprend au détour d’une rencontre et à travers nos expériences à découvrir qui l’on est et ce que l’on veut. L’enjeu est fondamental puisqu’il guide le sens que chacun donne à sa vie ou à son métier pour continuer à croire en ce qu’il fait et s’engager encore et encore.

La vie professionnelle n’échappe pas cette règle, en particulier dans des métiers techniques où l’expérience joue un rôle clé pour relever les défis du quotidien. On a pu constater les efforts importants réalisés pour attirer les talents notamment chez les plus jeunes. Mais l’on a aussi bien souvent perdu de vue la richesse humaine déjà présente dans les entreprises, incarnée par les collaborateurs expérimentés. C’est notamment le cas des séniors, cette population dont l’âge plancher varie d’un secteur à l’autre mais qui, pour notre propos, démarrera avec les collaborateurs de plus de 50 ans (La définition de l’OCDE retient le seuil de 55 ans pour des comparaisons internationales).

Ces derniers ont parfois perdu l’attention des managers et des ressources humaines tant ils semblaient autonomes et dociles. Ils ont souvent été critiqués, d’aucuns leur reprochant un manque d’adaptation et des compétences inappropriées​​​​​. Ils ont même connu, pour certains, des départs anticipés à la retraite, pour amortir l’impact de la GVT sur la masse salariale. Et pourtant, ils accompagnaient techniquement les plus novices, répondaient à des questions techniques auxquelles le jeune manager lui-même n’avait pas toujours réponse. On reconnait de nouveau à ces collaborateurs un rôle essentiel dans les entreprises en tant que gardiens de la mémoire organisationnelle et référents techniques.
Mais les transitions en cours supposent une adaptation à laquelle ils n’ont pas toujours été préparés. Désemparés lorsqu’ils ne sont pas accompagnés, ils risquent de se désengager, se projetant parfois très tôt dans une fin de vie professionnelle alors que l’âge de départ en retraite s’allonge. Le décrochage relationnel entre l’homme et son travail est alors une menace lancinante synonyme de non qualité de vie au travail pour les séniors et de charges substantielles pour l’employeur.  Dans un tel contexte, les attentions s’accordent désormais pour identifier des leviers de fidélisation, d’implication et d’accompagnement des travailleurs séniors dans les transitions.

Les métiers de la comptabilité se distingueraient-ils, la vie en cabinet ayant ses propres règles ? Ils n’échappent pas à un héritage ayant constitué la comptabilité en algèbre du droit et le comptable en bras droit du dirigeant. On y retrouve la singularité d’une profession libérale domestiquée par un cadre réglementaire et institutionnel prégnant. On devra bien reconnaître à la suite de Michel Foucault la façon dont le corps professionnel façonne l’organisation et l’âme des cabinets, s’infiltrant dans les méandres des actions quotidiennes et des relations tissées avec l’environnement économique. Toujours alerte, disponible pour cette mission de service public, engagé socialement et sociétalement l’homme du chiffre vit au rythme des échéances fiscales comme des urgences entrepreneuriales. Mais le renforcement des exigences réglementaires comme la pression croissante sur les marges ne font qu’accentuer le challenge humain des cabinets où plus de 50% des professionnels sont entrés en séniorité, 50 ans faisant l’unanimité comme critère de démarcation.

Ces collaborateurs expérimentés se sont années après années adaptés aux impératifs d’une organisation encadrée par les contingences fiscales et économiques. Ils se démarquent autant par leurs savoir-faire techniques, ayant expérimenté succès et échecs sur le terrain, que par leur maturité affective et émotionnelle, induisant une mise en perspective des petits tracas du quotidien. La question de l’âge professionnel est ici intrinsèquement associée à celle de compétence développée par le collaborateur.

Une personne découvrant le métier comptable ignore totalement les fondamentaux d’un métier comme pourrait l’être un chirurgien, pourtant expert dans son métier, envisageant une reconversion dans la consolidation. Le jeune apprenti entrant dans la profession aura besoin d’une personne référente pour le guider, faire ses premiers pas, puis confirmer l’acquisition de ses savoirs, techniques et relationnels. Cette évolution des compétences se retrouve partout où il y a apprentissage comme notamment chez les constructeurs de cathédrale où l’on retrouvait des apprentis, des compagnons et des maîtres. L’apprentissage des compétences permet ainsi, chacun avançant à son rythme, de débuter dans un métier, de confirmer ses apprentissages, puis de devenir expert du sujet.

Or, un parcours de vie professionnelle est parsemé d’embûches et d’opportunités, de blessures et de réussites qui nécessitent autant de formes de réparations affectives que de résilience de la part du professionnel. Et les transitions auxquelles les cabinets comme leurs clients sont confrontés sont perçues comme autant de challenges pour les organisations et leurs personnels. 

L’implication renvoie à l’attachement du collaborateur au cabinet et à sa loyauté. Le concept, initialement employé dans le domaine du droit en référence à l’implication d’un suspect dans une affaire, a depuis été repris en sciences humaines puis en management pour rendre compte de l’engagement du collaborateur dans la vie de l’entreprise. L’implication s’imbrique profondément dans la relation de travail qu’il partage avec le cabinet et ses parties prenantes

De ce point de vue, il existe un contrat entre le collaborateur et le cabinet qui sera renouvelé et renégocié régulièrement tout au long de la relation de travail. Ce contrat déborde de la seule dimension légale pour acquérir d’emblée une dimension psychologique et affective. 

A la suite des travaux de Meyer sur l’engagement, on retrouve alors trois principaux leviers d’implication dans l’organisation :

  • On retiendra tout d’abord l’engagement affectif fondé sur le désir de rester dans l’organisation et sur l’attachement émotionnel. Il est généralement perçu comme positif et constitue un levier managérial puissant ; 
  • On pourra bien évidemment aussi avoir recours à l’engagement normatif où l’une et l’autre des parties considèrent comme normal de poursuivre la relation et se sentent obligées de la prolonger ;
  • L’engagement par coût constitue le troisième levier. Bien connu en psychologie sociale avec notamment le « Petit traité de manipulation à l’usage des gens bien intentionnés » de Joulé et Beauvois, il insiste sur la continuité des missions déjà entreprises face à la perception d’un coût de l’arrêt de la relation. Auto-renforcement et escalade de l’engagement jouent alors un rôle clé.

Les parties à la relation, l’associé, le manager et le collaborateur, sont engagées mutuellement dans un quotidien professionnel où ils trouveront les uns et les autres un intérêt, satisferont des objectifs et pourront aussi perdre, encourant alors des coûts. Le caractère volontaire de l’engagement en constitue son principal moteur. C’est d’autant plus le cas que l’évolution des pratiques managériales a vu les mécanismes disciplinaires s’effacer au profit de mécanismes de contrôles, moins visibles mais tout aussi invasifs. Emploi du temps, poste, relevé des heures, surveillance d’un chef d’équipe constituaient les indispensables de la société industrielle. Télétravail, workflow, plateforme collaborative ou téléphone professionnel permettent désormais de suivre n’importe quel collaborateur jour et nuit, de partager à 20h le soir une urgence pour le lendemain 8h ou de rajouter un rendez-vous dans l’agenda.

Les gourous du management nous invitent désormais à entretenir ce lien dans une logique « gagnant-gagnant », tant sur le plan affectif que contractuel et normatif. Mais une telle représentation ne doit pas nous faire perdre de vue qu’une relation est avant tout la rencontre de deux volontés : une relation dégradée pourra distendre ce lien et l’implication des parties. Il convient aussi de garder en tête que la satisfaction au travail n’est pas forcément garante de la fidélité ou de l’implication, tant du collaborateur, que de sa hiérarchie.

Dans cette veine, il se peut que le contrat psychologique ait été mal interprété par l’une ou l’autre des parties. Il se peut également que l’une ou l’autre des parties fasse preuve d’opportunisme entachant par-là les principes mêmes qui la reliaient à l’autre. L’engagement par coût notamment peut être perçu comme réduisant la liberté d’action et l’on comprend que cette forme d’engagement négatif puisse s’inscrire à l’opposé des courants en développement actuellement sur la réalisation de soi et la qualité de vie au travail. 

Si le monde professionnel insiste sur ce que l’on fait et les actes de bravoure, la question du pourquoi et du comment l’on fait a acquis une importance capitale sur le marché du travail. L’engagement personnel est donc essentiel et le partage de valeurs avec l’entreprise lui est indissociable. Une telle approche était déjà sous-jacente dans les travaux fondateurs de l’école des relations humaines et notamment dans le modèle bi factoriel de Herzberg qui distinguait d’un côté les facteurs d’ambiance et d’hygiène pouvant accroître ou réduire l’insatisfaction, et d’un autre côté les facteurs de motivation déterminant de la satisfaction. Les cabinets se sont tant bien que mal adaptés à ces nouvelles règles du jeu, organisant des événements du personnel, rémunérant les heures complémentaires, définissant des parcours professionnels avec des mobilités hiérarchiques et fonctionnelles. Mais les possibilités dans les plus petites structures peuvent être limitées et appellent beaucoup d’imagination. On le comprend, les managers ont fort à faire pour favoriser pendant toute une vie professionnelle l’implication des collaborateurs et notamment pour impliquer les collaborateurs les plus confirmés. De telles analyses rendent l’interruption d’activité des plus de 55 ans préoccupante à plusieurs titres. Au-delà du maintien dans l’emploi défendu par les politiques publiques, à l’instar de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 (ART.L.138-25 et 24), qui obligeait les entreprises de 50 salariés et plus à signer au cours de l’année des accords d’entreprise ou de groupe, la question de l’implication a pris une ampleur certaine. A peine plus d’un français de 55-64 ans sur deux est en emploi en 2021 contre 81,8% des 25-49 ans selon l’étude de la DARES du 12 janvier 2023. On a là un paradoxe : alors que la durée de vie biologique s’est allongée, la durée de vie professionnelle a connu une baisse prolongée depuis les années 80. Un tel phénomène a donc des conséquences sociétales, on ne reviendra pas ici sur la question des retraites, mais aussi économiques, les entreprises se délestant d’une part importante de leur capital humain avec le départ de collaborateurs séniors. On ne pourra taire, non plus, les conséquences personnelles lorsque les collaborateurs vivent mal leur fin de vie professionnelle. Les investissements réalisés pendant de nombreuses années de collaboration se trouvent ainsi anéantis par le départ du senior s’il n’est pas pleinement valorisé, dans l’intérêt des deux parties.

Ce sujet n’a pourtant rien de nouveau ou d’original. Il pourrait même sembler paradoxal qu’après avoir encouragé le départ des collaborateurs séniors, le marché du travail les considère aujourd’hui comme une ressource à privilégier. Le rapport de la mission sur le maintien en emploi des seniors remis au gouvernement en janvier 2020 rappelle à ce titre que le taux d’emploi des travailleurs séniors reste faible. Il montre en particulier que les seniors ont servi d’amortisseur pour le marché de l’emploi, avec une politique de départ à la retraite bien souvent anticipée. 

Cette tendance s’est renforcée sur le terrain, notamment dans les plus grandes entreprises qui ont pu mobiliser les départs en retraite comme des leviers d’ajustement de leur masse salariale, par exemple dans le cadre de rationalisations post-fusion. Si le taux d’emploi est remonté depuis, il reste néanmoins bien en dessous des autres générations. 

Le problème est d’autant plus présent dans les métiers de la comptabilité que l’on assiste clairement à un choc générationnel et une problématique de transition puisque la profession repense son modèle à un rythme soutenu. 
Tout d’abord, sur le plan démographique, on pourra souligner la pression accrue sur le marché de l’emploi des plus jeunes collaborateurs inhérente au retrait accéléré des seniors. Si les politiques d’apprentissage ont fait la part belle ces dernières années aux juniors néo-entrants dans l’entreprise, visant par là à faciliter l’insertion des plus jeunes sur le marché de l’emploi, les seniors ont accepté et faite leur l’idée d’une inactivité précoce. Le pouvoir de négociation à l’embauche s’en est trouvé diminué pour les cabinets avec des faits stylisés notables comme l’inflation des salaires, les demandes d’aménagement du temps de travail, ou le télétravail. 


Ensuite, sur le plan technologique, des solutions digitales remplacent progressivement les compétences historiques des back offices comptables et font perdre de vue la richesse des compétences abandonnées avec le départ des plus anciens. Certains se sont peu à peu désinvestis des chantiers en cours dans les cabinets, se convainquant qu’ils pourraient éviter un engagement perçu comme coûteux dans le monde de la data notamment. Il est urgent et indispensable d’accompagner les seniors dans cette transformation de leur métier. C’est enfin une révolution de posture du comptable dont l’activité s’appuie d’avantage sur des supports techniques et qui va devoir accompagner ses clients sur des problématiques dépassant la comptabilité à proprement parler, notamment dans le champ du conseil. Les associés se trouvent bien souvent démunis pour accompagner la transition professionnelle de cette population qui a joué un rôle clé dans le développement du cabinet ces dernières décennies.

A défaut de proposer de véritables solutions opérationnelles, le rapport de la mission de maintien en emploi des seniors a néanmoins le mérite d’avancer des principes. Il souligne en particulier l’indispensable enjeu de prévention de l’obsolescence des compétences dans la seconde partie de carrière comme la nécessaire transmission des savoirs. Il encourage aussi une transition progressive entre plein-emploi et pleine-retraite pour prolonger l’emploi des actifs seniors. Il exige enfin l’accélération de la « transformation culturelle des organisations » pour que les représentations des parties prenantes internes des cabinets soient cohérentes avec les ruptures connues dans leur environnement. Proposer des recommandations opérationnelles constitue un exercice difficile lorsque l’on comprend que la relation de travail s’inscrit dans un système plus global mettant le cabinet comme ses collaborateurs en interaction avec leur environnement. Nous retiendrons néanmoins 6 axes d’actions pouvant nécessiter une intervention au niveau du cabinet, de la profession ou du politique.

La quête du sens est un enjeu majeur chez les collaborateurs séniors comme nous avons pu le constater ces dernières années. On la retrouve de façon importante chez les quadras notamment à la suite de la crise du covid et l’on a vu de nombreux collaborateurs remettre en question le modèle qui était le leur jusque-là : changement de rythme de travail, changement de métier, déménagement, changement de vie sont rentrés dans l’univers des possibles. Ce phénomène se retrouve chez les quinquagénaires qui constituent statistiquement la catégorie la plus riche de la population active et pour lesquels les moteurs traditionnels ne sont plus toujours efficaces. Là où certains s’engageront pour satisfaire le client, d’autres le feront pour terminer une tâche entreprise, d’autres encore pour les gains attendus en termes de rémunération et d’opportunité de carrières, d’autres enfin car ils considèrent que c’est leur mission sociale. L’engagement RSE du cabinet ouvre ici des opportunités pour donner du sens, mais il faut garder en tête que chacun donne/trouve un moteur différent à son action.

Les domaines d’activité des cabinets sont en redéfinition pour s’éloigner des missions comptables qui aujourd’hui encore sont prédominantes, mais qui sont aussi certainement les plus fragilisées par la digitalisation. L’entreprise du chiffre doit donc rapidement identifier son redéploiement sur des activités connexes à leur métier princeps. Ce sont autant d’opportunités de mobilités pour les collaborateurs séniors qui pourront se voir confier des missions de veille, de montée en compétences sur ces nouveaux métiers en fonction de leurs affinités. On pourra entre autres directions travailler sur l’information extra-financière, sur la dématérialisation, sur la distribution d’applicatifs, sur l’aide au pilotage, sur l’accompagnement des difficultés et le restructuring… Les possibilités sont nombreuses pour enrichir l’activité et entretenir l’implication des collaborateurs séniors.

Comme les autres tranches d’âge, les travailleurs seniors peuvent avoir besoin d’une certaine flexibilité pour s’accorder avec leurs préoccupations propres. Une telle flexibilité est bien souvent demandée pour mieux conjuguer vie professionnelle et impératifs privés. Dans cette veine, il faut que le poste colle au collaborateur plutôt que de contraindre le collaborateur à rentrer dans un moule. L’âge professionnel est une variable à prendre en compte dans l’aménagement et participe à définir les singularités de chacun. Et l’on assiste, ici encore, à des paradoxes. Certains seniors considéreront avoir la possibilité de travailler davantage, n’ayant plus d’obligations familiales immédiates, là où d’autres au contraire auront une seconde ou une troisième vie et besoin de temps pour leurs enfants ou pour eux, tout simplement. 

La retraite agit comme un mur psychologique et l’idée de fin de vie professionnelle est parfois perçue comme une petite mort pour les plus impliqués. Pour les autres, elle peut être aussi synonyme de libération. Pour autant, le rallongement progressif de la durée de cotisation repousse d’autant le moment du départ. Les convictions qu’un quadragénaire avait pu se forger une ou deux décennies plus tôt doivent être revues avec une échéance repoussée et le sentiment de rupture du contrat psychologique. Il est donc fondamental de remobiliser. Les outils traditionnels sont autant de leviers : il est possible de parler d’évolution professionnelle avec des charges de missions ayant du sens pour le collaborateur sénior que ce soit en tant que référent ou sur le développement de nouvelles activités ; la formation est aussi un enjeu pour rompre avec le stéréotype d’un senior dépassé par les transitions et notamment par la technologie. La flexibilité déjà évoquée constitue une autre possibilité.

Le contrat d’apprentissage a montré le succès d’une recette ciblant mieux les spécificités liées à l’âge. Il apparaît tout à fait possible d’envisager une transition progressive vers la retraite avec financement spécifique par l’état sur le modèle du contrat d’apprentissage. Certaines entreprises ont bien compris l’intérêt de valoriser jusqu’au bout un capital dans lequel elles ont investi pendant des années. Elles adaptent alors le temps de travail et le type de responsabilité pour accompagner la fin de vie professionnelle de leur collaborateur sénior dans une relation gagnant-gagnant. Le contrat senior pourra accompagner les collaborateurs engagés dans le dernier quart de leur vie professionnelle dans le renouvellement de leurs compétences et constituer ainsi un véritable pivot professionnel. Outre de la formation, il pourra s’agir notamment d’associer la mission en entreprise avec une mission solidaire ou tout simplement avec du temps de repos. Une telle solution nécessite un aménagement du contrat dans une logique de sur-mesure social, que l’on pourrait très bien mettre en œuvre à la suite d’un bilan à 360°. 

Les stéréotypes sur l’âge se sont renforcés insidieusement dans les entreprises où, à l’image des startup, le jeunisme s’est imposé en tant que déterminant incontestable du dynamisme. Les cabinets d’audit et de comptabilité ont eux aussi fait la part belle aux plus jeunes depuis plusieurs décennies, les premiers y trouvant une main d’œuvre perçue comme malléable pour s’engager dans des missions peu compatibles avec une vie de famille et les seconds cherchant à compenser un turn-over sur cette tranche d’âge et à bénéficier d’une main d’œuvre fraîchement formée.

Or, contre l’image d’Épinal d’un collaborateur vieillissant, adverse au changement, les seniors ont eux aussi démontré leur capacité d’adaptation, n’hésitant pas à se former de plus en plus tard dans leur parcours professionnel et comprenant qu’au-delà de leur avenir professionnel, ils jouent aussi leur place dans la société.

Il est urgent de faire tomber les stéréotypes d’âgisme ou d’inadaptation. Les seniors s’engagent sur de nouvelles activités et mobilisent de nouvelles technologies dès lors qu’ils trouvent un sens à l’activité.
La loi Pacte, comme plan d’action pour la croissance et la transition écologique, a notamment souligné l’importance de la mission poursuivie par l’organisation au-delà de la seule production de résultats et son partage entre les actionnaires. Cette idée de mission est d’autant plus cohérente que la richesse créée par l’entreprise est largement partagée entre les différentes parties prenantes et répond à des besoins évidents du marché et bien souvent de la société. L’inclusion des seniors est au même titre que celle des personnes porteuses de handicap un enjeu de société. Les cabinets ont toute possibilité de proposer des solutions originales de mixité intergénérationnelle.

A l’issue de cette note, on ne peut que rappeler tout l’enjeu d’une meilleure inclusion des collaborateurs séniors. Au-delà de la problématique sociétale poussée par l’allongement de l’âge de départ en retraite, il en va de la qualité de vie dans les cabinets pour des collaborateurs ayant contribué pendant de nombreuses années à la réussite de leur organisation. Il en va également de leur implication dont les moteurs sont fondamentalement individuels, mais qui peuvent être entretenus par des facteurs exogènes à la main de l’associé.

8 décembre 2023
Vincent Maymo
Professeur des Universités, Enseignant à l’IAE Bordeaux et chercheur à l’IRGO​​​​​

Avertissement

Les travaux de l’Institut Sofos sont des études de fond accompagnées de propositions apolitiques qui peuvent être affinées ou amenées à évoluer le cas échéant. Les études publiées sont à prendre dans leur ensemble et ne peuvent être résumées par des extraits. Les propositions présentées ne sont pas à considérer comme des revendications ou des exigences. Elles doivent permettre d’ouvrir le débat et contribuer à la réflexion et aux travaux nécessaires à la mise en œuvre d’une nouvelle politique économique, sociale et solidaire.

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